Le recensement des “spectacles célestes” à l’époque moderne est une tâche ardue, qui sera au centre de ce projet de recherche. En voici pour l’heure quelques exemples dans quelques villes européennes, par ordre chronologique : Brescia en 1511, Gênes en 1515, Vienne en 1520, Modène en 1531, Paris dans ces mêmes années où l’on rapporte l’observation de trois soleils, Wittenberg en 1551, Plech en 1554, Vienne en 1557, Nuremberg en 1561, Bale en 1566 avec ses sphères enflammées, mais aussi cette année Neustadt im Schwarzwald, Veste Plasssenburg en 1571, Augsburg en 1582, Nuremberg de nouveau en 1583, Ancona en 1584, en Calabre en 1585, Gent en 1586, Erfurt en 1627, Oxford en 1628, Dignes en 1630, Savona en 1643, Ljubljana en Slovénie en 1664, Piacenza en 1737, et même en dans toute l’Europe l’année 1784 l’observation d’un globe ou d’une sphère ardente traversant le ciel.
La consignation de telles observations n’est pas nouvelle. Les chroniques médiévales regorgent de ce type de témoignages ; les sources antiques sont loin aussi de les ignorer ; la Bible non plus si l’on songe seulement à l’histoire du prophète Josué suspendant la course du soleil et de la lune. Mais la particularité de la première modernité réside dans le fait que ces spectacles célestes para-normaux – en prenant le mot au pied de la lettre, hors de la normalité – ont donné lieu à une intense production visuelle, tout particulièrement graphique : ces images – des gravures pour l’essentiel, monotype ou colorées, sont conçues comme de véritables hapax, produites dans des délais très court, faisant le pari de la lisibilité plutôt que de la complexité, et qui ont connu grâce au zèle de typographes et d’imprimeurs toujours à la recherche d’un “coup éditorial” une diffusion massive.

DOI: https://doi.org/10.7891/e-manuscripta-91897.
Une diffusion telle que l’on peut sans risque affirmer que la représentation du spectacle céleste de Nuremberg du 14 avril 1561, par exemple se révèle aujourd’hui plus importante, pour saisir les ressorts de la culture visuelle des cieux à l’époque moderne, qu’un célèbre tableau, immanquablement convoqué lorsque l’on parle des rapports entre art et astronomie, à savoir la Fuite en Egypte d’Adam Elsheimer peint en 1609.

Un tableau où la voûte étoilée apparaît effectivement dans un naturalisme résolument nouveau mais un tableau que le peintre installa dans sa chambre à coucher, à l’abri des regards, et qui connut une diffusion somme toute limitée même après sa mort l’année suivante.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Florian Metral (26 février 2024). De la représentation des “spectacles célestes” Spectacles Célestes. Consulté le 17 février 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/125pw