Quelques courts textes rédigés à l’occasion de l’exposition “Hâte-toi lentement : le temps en questions” à l’Espace Horloger-Vallée de Joux, Suisse (I)

Dans la foulée de l’annonce d’un partenariat scientifique avec l’Espace Horloger-Vallée de Joux, qui se concrétisera par la tenue de journées d’études en septembre 2024, j’ai le plaisir de partager cette semaine et la suivante quatre textes commandés par Angela Benza, conservatrice à l’Espace Horloger, à l’occasion de l’exposition “Hâte-toi lentement : le temps en questions” qui se tient du 6 octobre 2023 au 31 octobre 2024 à l’Espace Horloger-Vallée de Joux.

Je recommande la visite de cette exposition où l’on peut découvrir un certain nombre de pièces provenant notamment du fonds d’horloges anciennes de l’Espace Horloger (collection Gideon), dont certaines n’ont encore jamais été exposées. Elles dialoguent à cette occasion avec des pièces plus récentes, permettant d’aborder certaines grandes notions liées à l’histoire culturelle et visuelle de l’horlogerie.

Voici les deux premiers textes.

1/4 La “machine du ciel”

L’horlogerie est souvent dite fille de l’astronomie, la plus ancienne des sciences. Aucun peuple, aucune culture n’a en effet ignoré le lien intrinsèque que nous, êtres humains, entretenons avec l’univers. La mesure du temps est précisément née de ce besoin de comprendre ce monde qui nous englobe, cette surprenante “machine du ciel”, comme on l’a nommait autrefois, réglée par le mouvement perpétuel des cieux, le cours ininterrompu des astres.

Outre celle de la Lune, l’observation de la trajectoire apparente du soleil au cours de l’année – appelée écliptique – a été la plus déterminante pour nos représentations du temps. C’est elle qui a notamment permis d’établir des repères temporels comme les solstices et les équinoxes, associés aux quatre saisons, ou de mettre en évidence l’existence de cycles qui seront au fondement des premiers calendriers. Le motif du soleil, souvent présent au centre des cadrans ou à l’extrémité des aiguilles, nous rappelle cette histoire commune de la technique horlogère et de la science astronomique.

2/4 Le temps, “Père de toutes choses”

Pourquoi le temps occupe-t-il une place si fondamentale dans notre quotidien ? Tout simplement car il est, ainsi que le déclare le poète Pindare, le “Père de toutes choses”. Les Grecs anciens lui attribuèrent trois réalités, dont nous avons hérités : il y avait aiôn, le temps éternel et créateur, celui des origines du monde ; il y avait kairos, le temps opportun, le bon moment, l’instant t ; il y avait enfin, et surtout, chronos, le temps qui passe et qui détruit tout, ce temps dont nous faisons l’expérience chaque jour. 

Si aiôn et kairos restèrent des abstractions, Chronos en revanche reçut forme humaine sous l’apparence d’un vieillard ailé, plus tard confondu avec le titan Cronos, le Saturne des Romains. À partir de là, toutes les manifestations du temps se virent personnifiées et divinisées : le soleil et la lune, le jour et la nuit, les jours de la semaine, les mois et l’année, sans oublier les “filles du temps” que sont les heures et les saisons. 

Le christianisme tentera bien d’imposer ses figures du tempus, telles la Mort ou Satan, mais n’effacera jamais le souvenir de Chronos. Au début du XXe siècle, la culture populaire anglo-saxonne le redécouvre avec Father Time, figure rassurante et inquiétante à la fois, comme l’est finalement notre propre rapport au temps. 

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