Retour sur le workshop “Curating and Exhibiting Geology. Past Practices and Future Challenges”, 21-23 mai 2024, Paris.

Du 21 au 23 mai 2024 s’est tenu à Paris – au Museum National d’Histoire Naturelle et à la Société géologique de France – le workshop “Curating and Exhibiting Geology. Past Practices and Future Challenges” organisé par Charlotte Bigg, John Holmes et Pierre Sans-Jofre – avec la contribution de Léane Mousseau étudiante en stage de master au CAK – dans le cadre du volet SHS du PEPR Origins, lequel entend répondre à des défis technologiques essentiels pour avancer dans la recherche sur les origines des planètes et de la vie.

Ce workshop est particulièrement bienvenu car il propose une réflexion inédite sur les musées d’histoire naturelle, véritables œuvres d’art totales (Gesamtkunstwerke), où l’architecture, l’organisation spatiale des collections et des espaces d’exposition, ainsi que le programme décoratif comme l’écrivent les organisateurs, ont été soigneusement élaborés pour promouvoir une certaine vision de la science, du musée et de la nation.

Une telle réflexion historique s’avère d’autant plus nécessaire que nombre de ces musées, construits ou reconstruits à l’apogée du XIXe siècle, ont fait, font ou feront l’objet de restaurations majeures afin de répondre à de nouvelles questions scientifiques et affronter de nouvelles exigences en matière d’engagement du public.

Ce sera tout particulièrement le cas du Muséum à Paris qui, en 2028, accueillera le Centre national de la matière extraterrestre, entité chargée de la conservation des échantillons de roches extraterrestres renvoyés par les missions spatiales. Son installation entraînera en effet de facto la réorganisation du bâtiment historique de géologie et de minéralogie ainsi que de ses collections.

Autour de la météorite d’Ensisheim de 1492

Je n’ai pas eu l’occasion de suivre l’intégralité de ce workshop absolument passionnant, mais parmi les interventions auxquelles j’ai assistées les 22 et 23 mai, deux ont plus particulièrement retenu mon attention.

La première est celle de Julia Walter-Roszjár, chercheuse et co-curatrice de la collection de météorites du Naturhistorisches Museum de Vienne. Son intervention, intitulée “The Meteorite Collection at the NHM Vienna and Related Public Outreach Activities Over Time”, remarquablement documentée, proposait effectivement un survol historique de l’histoire des collections et de leur médiation sans tomber dans le simple partage d’expériences parfois inhérent à ce type d’exercice.

Un des moments qui m’a le plus passionné concernait l’évolution des critères de classification des météorites, où intervenait notamment celui de leur “beauté”, élevant ou plutôt rétablissant ces objets célestes dans leur statut de “merveille” de la nature qu’elles eurent dès les temps anciens et plus certainement encore à partir de la Renaissance.

Il fut question à ce propos de la mini-exposition réalisée en 2013  par le Naturhistorisches Museum de Vienne sur la météorite d’Ensisheim tombée le 7 novembre 1492 à Ensisheim, qui en conserve un des fragments, à l’instar du Muséum à Paris et du Museum Natur und Mensch de Fribourg-en-Brisgau en Allemagne ; la masse principale de la météorite se trouvant quant à elle au musée de la Régence à Ensisheim dans le Haut-Rhin.

L’événement de la météorite d’Ensisheim nous renvoie très directement à la production visuelle des tracts célestes, dont on peut dire qu’elle a lancé la mode en 1492. En effet, Sebastian Brant, auteur de la célèbre Nef des Fous (1494), se trouvait à Bâle au moment de la chute de la météorite et a certainement entendu l’explosion. Il l’a décrite en détail dans un tract (dont un exemplaire se trouve à l’Universitätsbibliothek Basel) produit dans les semaines qui suivent l’évènement et ayant circulé dans toute l’Europe, faisant d’elle un signe divin invitant alors l’empereur Maximilien Ier à entrer sans tarder en guerre contre les Français…

Une histoire visuelle des sciences : le cas de l’Ecole des Mines

La seconde intervention ayant retenu mon attention est celle de Maddalena Napolitani, docteur en histoire de l’art et actuellement chercheuse au Museo Galileo à Florence. Son intervention, intitulée “The Nation’s Stones. From the Mineralogy Collections to the Museum of the École des Mines in Paris” – tirée directement de son excellente thèse de doctorat en cours de publication – revenait notamment sur les fresques ornant l’hôtel Vendôme réalisées au milieu du XIXe siècle.

Les peintures des parois du vestibule ont été réalisées par Claude Hugard et représentent “le spectacle de la nature”. Quant aux peintures du plafond, elles ont été réalisées par Alexandre Denis Abel de Pujol et consacrent les grands géologues “français. Maddalena Napolitani en livre une analyse remarquable où s’interpénètrent les approches de l’histoire de l’art et celles de l’histoire des sciences et des techniques, permettant de dessiner toujours un peu plus le chemin d’une histoire visuelle des sciences, particulièrement prometteuse tant pour l’histoire des sciences que pour l’histoire de l’art.

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